12/4/2020 0 Commentaires Actu VGE #3 La construction européenne : le monopole du coeur de Valéry Giscard d’EstaingSi la longévité de la carrière nationale du Président Giscard d’Estaing le fait parfois oublier, la construction européenne est toujours demeurée au cœur de sa trajectoire politique et intellectuelle. Une ambition européenne qui joue avec les signes du destin : natif de Coblence en Allemagne où son père Haut-Commissariat français en Rhénanie en 1926, diplômé de l’Ecole nationale d’administration en 1951 dans la promotion “Europe”. Son mandat présidentiel sera l’occasion de nombreuses réalisations en la matière, favorisées par sa relation privilégiée avec le chancelier allemand Helmut Schmidt : création du Conseil européen en 1974, de l’European currency unit et du système monétaire européen en 1979 et enfin première élection du Parlement européen au suffrage direct la même année. Dans la dernière décennie il développait encore une intense réflexion sur l’avenir de l’Europe : en proposant dans un essai de 2014 de construire une fédération européenne autour de 12 membres historiques, ou plus récemment encore en invitant dans une tribune à construire une union budgétaire et fiscale en réponse à la crise du Covid-19. Fait peut-être moins connu cependant : la dernière présidence de Valéry Giscard d’Estaing fut européenne. La déclaration des chefs de gouvernement réunis au sein du Conseil de l’Union européenne du 15 décembre 2001, dite déclaration de Laeken, convoque en effet la Convention sur l'avenir de l'Europe chargée de conduire un débat sur l’avenir de l’Union, et en confie la présidence à l’ancien président. Cette institution provisoire se voulait inspirée de la Convention de Philadelphie qui avait abouti à l’adoption de la constitution des Etats-Unis en 1787, et affichait une forme d’ambition fédéraliste assumée. Après deux années de travaux, le presidium de la Convention européenne remet à la présidence italienne du Conseil européen un projet traité établissant une constitution pour l'Europe. Dans sa décision n°2004-505 DC du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel estime que le terme de “constitution” employé dans le nom du traité n’emporte aucune conséquence juridique. Bien que le mot soit hautement symbolique, le texte “conserve le caractère d'un traité international”, notamment du fait de “la possibilité de le dénoncer”. Cette décision ne suffit pas à rassurer les sceptiques, et le traité ne sera jamais ratifié à la suite du non apporté par la France - et les Pays-Bas - au référendum organisé en 2005. Gageons que les efforts déçus du président Giscard d’Estaing trouveront un écho dans les prochaines décennies, et que plus que du passé ou du passif, il demeure un Homme de l’avenir. par Benjamin BellahnidÉlève à l'ENS, titulaire du Master de droit constitutionnel de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne.
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12/4/2020 0 Commentaires Actu VGE #1 Le contrôle de constitutionnalité et l’émergence de droits de l’opposition Voulant rompre avec l’interprétation « classique » de la Constitution de la Ve République, dominée par la vision présidentialiste du Général de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing entend rééquilibrer les rapports entre le Gouvernement et le Parlement, afin de lutter contre la toute-puissance du Président de la République. Pour cela, une révision constitutionnelle est envisagée. Le Conseil constitutionnel, créé par la Constitution formelle de 1958, ne pouvait alors être saisi que par le Président de la République, le Premier Ministre, ainsi que les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Rares étaient les saisines permettant de contrôler a priori les lois – en quinze ans, seules neuf décisions portant sur des lois ordinaires ont été rendues par le Conseil, dont six sur saisine du Premier Ministre. Cela s’explique aussi par le fait que, dans l’esprit initial du constituant, le Conseil constitutionnel avait pour rôle d’assurer un contrôle sur le parlement, ce qui s’observe par le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur les règlements des assemblées et le partage des compétences des articles 34 et 37 de la Constitution (qui déterminent les domaines respectifs de la loi et du règlement) ; ce n’est qu’à partir de 1971 que le Conseil prend la direction de la protection des droits et libertés fondamentaux (cf. Cons. constit., 16 juillet 1971, n° 71-44 DC, Liberté d’association), grâce à la saisine du président du Sénat. Pour continuer ce mouvement, V. Giscard d’Estaing propose d’élargir la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs, offrant ainsi à l’opposition un moyen de lutte contre l’action de la majorité – et donc du Gouvernement. Avant leur promulgation, toutes les lois peuvent dorénavant être déférées par les parlementaires au Conseil constitutionnel, qui se prononcera sur leur conformité à la Constitution. C’est par la loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 portant révision de l’article 61 de la Constitution que l’évolution est consacrée. (v. BENETTI Julie, « La saisine parlementaire (au titre de l’article 61 de la Constitution) », in Les nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 38, janvier 2013, disponible en ligne). par Alexandre MimmsÉtudiant à l'ENS, en Master II de droit public approfondi à l'université Paris II Panthéon-Assas. 12/4/2020 0 Commentaires Actu VGE #2 Le divorce par consentement mutuel et le clin d’oeil de TruffautEn 1979, les Français voient se conclure par un divorce et sur le single d’Alain Souchon le dernier volet de la série consacrée aux aventures d’Antoine Doinel : L’Amour en fuite. L’alter-ego de François Truffaut, interprété par Jean Pierre Léaud depuis Les Quatre Cent Coups, avait fini par épouser Christine alias Claude Jade, une jeune fille bien rangée, après s’être épris de la merveilleuse Delphine Seyrig dans Baisers volés. Dans Domicile conjugal (le troisième volet), on avait suivi la vie du jeune ménage, dont la paix était déjà menacée par les infidélités d’Antoine. Dans l’une des premières scènes de l’Amour en fuite, on voit le couple entrer dans le bureau du juge des Affaires matrimoniales. A la sortie du tribunal, une foule de journalistes les attend. “Qu’est-ce que c’est, qu’est-ce qu’est ce que toutes ces personnes là?” demande Antoine. “J’en étais sûr, ce sont des gars de la radio, vous êtes le premier couple à divorcer par consentement mutuel, alors…” lui répond son avocat. Quelques années avant la sortie du film, la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 avait introduit de nouvelles dispositions en matière de divorce : d’une part une procédure que l’on qualifie de gracieuse, c’est-à-dire le divorce par demande conjointe des époux après un an de mariage et au moins 3 à 6 mois de réflexion ; et d’autre part une procédure contentieuse, le divorce étant alors demandé par l’un des époux et accepté par l’autre, après six ans de séparation effective. Et pourtant, dans L’Amour en fuite, Christine précise : “Non, pas du tout, c’est pas le divorce giscardien, le divorce par consentement mutuel a été inventé sous la Révolution, n’est-ce pas Antoine?” et elle poursuit : “Mais Napoléon a quand même profité de la loi de la Révolution pour larguer Joséphine!”. Clin d'œil perspicace d’un Truffaut plus révolutionnaire que giscardien ? par Amélie DepriesterÉlève à l'ENS, étudiante en 3e année de licence en droit à l'université Paris-Nanterre. Retour du confinement et… retour des attestations dérogatoires ! Depuis l’annonce présidentielle du 28 octobre, les ministres se succèdent sur les chaines d’informations pour détailler les cas et conditions dans lesquelles les français pourront sortir de chez eux. La démarcation entre l’interdit et l’autorisé est parfois floue, on tente de vous l’expliquer. On peut le lire en première ligne de l’attestation fournie, elle est prise « En application du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire », c’est donc à ce texte qu’il faut se référer, et non aux paroles des membres du gouvernement et des médias qui les relaient. Ainsi, pour vous mouvoir hors de votre lieu de résidence, vous êtes tenus de justifier - en cas de contrôle - que votre déplacement s’effectue pour l’un des motifs énoncés à l’article 4 du décret, motifs qui sont reproduits dans l’attestation. Il n’est cependant pas spécifié que vous êtes tenus de présenter l’attestation que l’on trouve sur le site du gouvernement, il suffit en effet de se munir « d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l'une de ces exceptions. » Aussi, aucun formalisme particulier n’est requis. Si toutefois vous souhaitez vous munir de l’attestation-type fournie par le l’Etat, on y lit au bas « Date et heure de début de sortie à mentionner obligatoirement » (il est par exemple impossible de générer numériquement une attestation sans renseigner ces informations). Or, il n’est nullement fait mention d’une telle obligation dans le décret. Il est bien prévu que les sorties liées soit à une « activité physique individuelle » soit aux « besoins des animaux de compagnie » doivent se faire « dans la limite d’une heure » mais cela ne revient pas à imposer pour toute situation de sortie du domicile, une obligation d’en mentionner les horaires. C’est ainsi qu’en a jugé le Conseil d’Etat dans une décision du 20 octobre 2020 : « la simple présence, dans un modèle d'attestation facultatif comportant l'ensemble des cas de sortie autorisée, d'un espace permettant, au pied du document, de mentionner l'heure de sortie du domicile, ne peut, en tout état de cause, être regardée comme signifiant que le signataire de l'attestation doit mentionner son heure de sortie dans les cas où elle n'est pas légalement requise. » Neuf jours se sont écoulés entre cette décision et la publication de l’ordonnance au Journal Officiel, c’est plus qu’assez pour y ajouter la mention en question. Le gouvernement n’ayant pas daigné faire figurer l’obligation de mention des horaires dans le décret, il n’y a pas de raison - juridique - pour le citoyen de s’astreindre à ce formalisme car comme l’a dit le commissaire du gouvernement Corneille en 1917, dans une formule que l’actualité tend à démentir : « La liberté est la règle, la restriction de police l’exception ». Par Alexandre Truc
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